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Conséquences fonctionnelles des troubles occlusaux

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L’articulé de Classe I dentaire est le garant d’un fonctionnement le plus physiologique possible des fonctions manducatoires. Lorsqu’il existe un trouble occlusal plus ou moins sévère, un certain nombre de désordres fonctionnels peuvent en découler. En cas de véritable dysmorphie maxillomandibulaire en Classe II ou Classe III squelettique, les retentissements sont d’ordres esthétiques et fonctionnels. Nous faisons ici le point des diverses conséquences fonctionnelles des troubles occlusaux.

Pr. Pierre BOULETREAU, CHU Lyon-Sud, Lyon

INTRODUCTION

Le fonctionnement physiologique des diverses fonctions orofaciales (mastication, déglutition, phonation, respiration) se fait au mieux en articulé dentaire de Classe I dentaire. Et si le dogme de la Classe I parfaite peut être discuté, un articulé dentaire équilibré est indispensable au fonctionnement le plus physiologique possible des diverses fonctions manducatoires ainsi qu’à la pérennité de l’organe dentaire.

Les troubles occlusaux reconnaissent de très nombreuses étiologies. Il peut s’agir d’anomalies de la dentition (mise en place dynamique de l’organe dentaire sur les arcades maxillaire et mandibulaire) telles que les oligodonties, macrodonties, microdonties…, de lésions acquises de l’organe dentaire carieuses, parodontales ou traumatiques, de dysmorphies maxillomandibulaires liées à une anomalie de croissance maxillaire et /ou mandibulaire, de troubles fonctionnels de la déglutition et/ou de la respiration (dyspraxies liguales)…Selon le Collège National d’Occluso-Odontologie, 30 à 40% de la population présenterait un ou des symptômes fonctionnels en rapport avec un trouble de l’occlusion.

Tout trouble occlusal, quel que soit son étiologie et sa sévérité, est potentiellement à risque d’entrainer divers retentissements fonctionnels que nous allons détailler.

1- Troubles de la mastication

Le coefficient masticatoire évalue la qualité des contacts dentaires inter-arcades. Il apprécie la capacité d’un individu à exercer une fonction masticatoire correcte, première étape du processus de digestion. En cas de trouble de l’occlusion dentaire, la mastication est d’autant plus perturbée que le coefficient masticatoire est bas. Ces troubles de la mastication sont à considérer avec une attention toute particulière chez la personne âgée chez qui la denture est naturellement encline à une altération plus ou moins prononcée.

En fonction de la typologie du trouble occlusal, la fonction de section et/ou de broyage des aliments sera altérée, avec diverses conséquences fonctionnelles : carences nutritionnelles par restrictions alimentaires, ingestion directe des aliments à l’origine de gastralgies, perturbation du signal de satiété pouvant occasionner une prise de poids.

Le praticien devra donc évaluer le coefficient masticatoire de son patient afin de lui proposer une solution, orthodontique, chirurgicale, et /ou de restauration prothétique, la plus adaptée pour corriger le trouble occlusal constaté. Dans les situations d’édentement sévère en lien avec une dysmorphie maxillo-mandibulaire, la prise en charge thérapeutique devra envisager la réalisation de gestes chirurgicaux de repositionnement des bases osseuses maxillaire et/ou mandibulaire afin de pouvoir réaliser une réhabilitation prothétique stable dans le temps (Photo 1).

Photo 1
Photo 1: Edentement sévère dans un contexte de Classe III squelettique

2- Dysfonctions des Articulations Temporo-Mandibulaires (DAM)

Le fonctionnement physiologique des Articulations Temporo-Mandibulaires (ATM) repose en grande partie sur la qualité de l’occlusion dentaire. Bien que ce point reste controversé dans la littérature, il semble exister une relation étroite entre trouble de l’occlusion et DAM [1].

La séméïologie des DAM retrouve des signes (claquements, craquements, ressauts, blocages, limitation des amplitudes articulaires…) et symptômes (douleurs…) divers qui traduisent une altération anatomique de l’ATM, souvent en lien avec une malposition discale. La dégradation finale des ATM consiste en une arthrose de l’articulation, laissant peu d’options thérapeutiques.  

Une occlusion fonctionnelle permet une répartition des forces masticatoires (physiologiques ou pathologiques en cas de bruxisme) la plus équilibrée possible. A contrario, tout trouble occlusal faisant peser sur un secteur dentaire particulier les contraintes masticatoires risque de déséquilibrer le fonctionnement articulaire. On observe par exemple ce phénomène dans les situations d’édentement des secteurs postérieurs, avec absence de calage molaire.

Le praticien devra réaliser l’examen des ATM de son patient s’il suspecte un lien avec le trouble occlusal constaté. L’Imagerie en Résonnance Magnétique (IRM) est à ce jour l’examen d’imagerie le plus sensible pour rechercher une atteinte anatomique des ATM [2].

3- Troubles de l’élocution

Les malpositions dentaires corrélées aux troubles occlusaux peuvent être à l’origine de divers troubles de l’élocution. L’organe dentaire fait en effet partie des structures participant à la prononciation, au même titre que les lèvres, le nez ou le palais. A titre d’exemple, la prononciation de certains phonèmes tels le « d » ou le « t » exige des contacts précis entre la pointe de la langue et les incisives.

En cas de trouble de l’élocution, le praticien a donc pour rôle le bilan et la prise en charge thérapeutique du trouble occlusal, en collaboration avec le travail de rééducation engagé par l’orthophoniste.

4- Troubles parodontaux

Il est prouvé que les malpositions dentaires génèrent ou aggravent des lésions parodontales [3]. En effet, outre les défauts d’hygiène buccale à l’origine du développement de la plaque bactérienne, les anomalies de la denture entrainent des compensations dentaires diverses préjudiciables à la pérennité du parodonte.

Lorsqu’il existe un trouble occlusal par décalage des bases osseuses maxillo-mandibulaires, les compensations dentaires naturellement enclines à réduire le surplomb pathologique sont sources de contraintes radiculaires importantes (Photo 2). Le risque de déchaussement dentaire est ainsi clairement augmenté chez les patients présentant un trouble de l’occlusion. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs antérieurs monoradiculés.

Le bilan parodontal doit donc faire partie du bilan clinique systématique devant un trouble occlusal, en particulier si un traitement orthodontique est envisagé, seul ou dans le cadre d’un protocole orthodontico-chirurgical.

Photo 2
Photo 2 : Parodontopathie évoluée du secteur incisif mandibulaire

5- Traumatologie dentaire

L’engrènement dentaire physiologique en Classe I est un facteur de solidité de l’organe dentaire. En cas de traumatisme maxillofacial (fracture de la mandibule par exemple), les contraintes sur la denture sont importantes et une mauvaise occlusion augmente le risque de fractures coronales, luxations et subluxations dentaires.

L’occlusion en intercuspidation maximale (OIM) assure la cohésion de l’organe dentaire en cas de choc crâniofacial important. De même, chez l’enfant, les proalvéolies supérieures sont un facteur de risque de traumatisme de la denture incisive maxillaire. (Photo 3)

Dans certaines activités sportives qui requièrent une certaine force comme l’haltérophilie ou le rugby, des gouttières occlusales sont utilisées afin de pallier aux troubles occlusaux et renforcer la stabilité occlusale en OIM [4].

Photo 3
Photo 3 : Traumatisme dentaire chez un enfant en Classe 2 avec proalvéolie supérieure

6- Troubles de la posture

Les relations entre occlusion dentaire et posture ont fait l’objet de très nombreuses études. Ce sont particulièrement les ostéopathes et kinésithérapeutes qui ont étudié ce sujet, source de diverses controverses. Pour certains auteurs, il existe des règles précises de symétrie et d’équilibre postural qui déterminent une occlusion idéale (théorie de l’orthoposturodontie). Pour d’autres, la posture est une situation d’équilibre multifactorielle propre à chaque patient et il n’existe pas de règle applicable à la population générale. Il n’existe à ce jour aucune donnée scientifiquement indiscutable en faveur de l’une ou l’autre de ces théories. Il existe par ailleurs un marketing important dans ce domaine, en particulier dans l’éventuel bénéfice qu’apporterait le port de gouttières occlusales afin d’améliorer les performances sportives, et qui n’a jamais été prouvé [4].

Le dogme de la Classe I canine et molaire parfaite comme seule occlusion physiologique est également régulièrement discuté, et il semble que la notion d’occlusion « équilibrée » soit plus réalistement associée au fonctionnement physiologique des ATM et à l’équilibre postural.

Le praticien qui observe des troubles posturaux rachidiens (cervicalgies, dorsalgies…) chez son patient en malocclusion pourra lui proposer le port d’une gouttière occlusale à titre diagnostique avant d’envisager un plan de traitement du trouble occlusal.

7- Mauvaise hygiène endobuccale

Les malpositions dentaires observées chez les patients présentant un trouble de l’occlusion représentent un facteur de risque de mauvaise hygiène buccodentaire. Toutes les complications en lien avec ce défaut d’hygiène peuvent alors être observées : caries, mortifications pulpaires, cellulites d’origine dentaire, dysplasies muqueuses par microtraumatismes chroniques…

CONCLUSION

Les troubles de l’occlusion dentaire peuvent se compliquer de diverses conséquences fonctionnelles. Il revient au praticien de dépister les différentes formes de malocclusions afin de proposer à son patient une prise en charge adaptée, et ce dans un objectif de santé publique.

Références bibliographiques

  1. Dental  malocclusion stimulates neuromuscular circuits associated with temporomandibular disorders. Liu X, Zhang C, Liu Q, Zhou K, Yin N, Zhang H, Shi M, Liu X, Wang M. Eur J Oral Sci. 2018 Dec;126(6):466-475
  2. Recommandations de Bonne Pratique : Techniques d’imagerie en chirurgie orthognathique. Société Française de Stomatologie, Chirurgie Maxillofaciale et Chirurgie Orale. Juillet 2017
  3. Malocclusion as an etiologic factor in periodontal disease : a retrospective essay. Geiger AM. Am J Orthod Dentofac Orthop. 2001;120:112-115
  4. A systematic review on the effects of occlusal splint therapy on muscle strength. Dias A, Redinha L, Mendonça GV, Pezarat-Correia P. Cranio. 2018 Aug 5:1-9.
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